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Hamid
lundi 22 août 2022, par
N. B. Ce texte est une transcription adaptée de l’entretien diffusé sur la cassette. Il y a donc quelques reformulations.
Je suis le gérant de L’Omadis depuis bientôt vingt-quatre ans, fin 1998. J’ai trouvé ce lieu qui pour moi est formidable, malgré un fort taux de délinquance dans le quartier, malheureusement. J’ai mis des années et des années, même encore aujourd’hui, à faire en sorte que ce lieu devienne un lieu d’amour.
Je ne dois pas baisser les bras. Je dois être vigilant, patient, dissuasif et courageux. Il faut l’être, et toujours impassible pour contrôler les situations qui peuvent être parfois explosives. Quand on a ce genre de situation, il faut être calme, ne pas accepter d’être violent, faire comprendre à l’autre qu’il ne faut pas insister, faire comprendre qu’il est indésirable dans le lieu. C’est comme ça que je gère l’Omadis depuis vingt-quatre ans.
Dans ce lieu, on fait des animations musicales, des jams, on fait participer des personnes qui ne se connaissent pas et qui viennent jouer du violon, des tambours, tous les instruments de musique qu’on peut imaginer. Et le vendredi et samedi, c’est des concerts en live, de tout style de musique. Voilà.
On ne peut pas vivre dans un lieu où on travaille parce qu’avec la gestion des gens, vous vous rendez même pas compte… il faut faire très attention. Non, il y a malheureusement tellement de gens qui sont dans l’incivilité que je ne pourrais pas me permettre ce calme olympien, comme on dit. Non non, la famille, il faut la protéger, il faut la mettre de côté. Il faut pas mélanger la famille et le travail, déjà, premièrement. Ni vu ni connu, c’est mieux. Pour vivre heureux vivons cachés.
Ça va vous faire sourire mais pour moi, l’évolution du quartier, c’est la diversité multiculturelle de ce quartier qui a toujours été. Après, les gens veulent en dire du mal, ils n’ont rien compris à ce quartier quoi ? Parce qu’en fait la délinquance, c’est la société qui la crée. Les gens n’ont pas demandé à devenir voleur ou dealer. C’est la société qui les a poussés indirectement à être comme ça, alors il faut arrêter de prendre les gens pour des cons.
Moi j’ai connu un capitaine de police qui m’a dit : « On a mis toute cette concentration de population, de couches populaires dans ce quartier de la Goutte d’Or pour mieux les contrôler. » Ah ouais ok, c’est comme ça que ça se passe en fait en fait. On contrôle la situation en disant : « On va mettre cette couche de la population dans ce quartier et on va les contrôler, peu importe ce qu’ils font, mais on est là pour pas qu’ils aillent dans d’autres quartier. »
Et c’est pareil dans les banlieues, c’est la même chose. La société crée de la délinquance et de la petite délinquance. Il faut arrêter de prendre les gens pour des cons. Vous savez, en banlieue c’est comme un quartier, mais si vous arrêtez les jeunes de banlieue cinq, dix fois dans la journée… À un moment donné, le petit jeune de banlieue ne comprend pas pourquoi il est contrôlé à chaque fois. Alors que c’est un jeune comme tout le monde. Vous savez qu’il y a une différence entre les jeunes de Versailles et les jeunes de banlieue. C’est quoi la différence ? C’est que les jeunes de Versailles, c’est pas des jeunes. Vous avez compris ? Voilà.
Un cousin avait des difficultés avec ce lieu, il n’arrivait pas à gérer, il a fait appel à moi et je suis arrivé dans le quartier. J’ai saisi l’opportunité, tout simplement. Et après, quand il a vu que j’avais remis de l’ordre, il a voulu dire : « Écoute maintenant, Hamid, je te donne ta part et tu t’en vas. » Je dis non, ça ne passe pas comme ça. C’est moi qui vais te donner ta part et tu vas y aller. Voilà, ça s’est passé comme ça.
Mais moi je dis aux gens, il y a une seule espèce humaine avec ses différences, c’est ce qui fait notre richesse. Il y a que les cons qui font la différence, qui divisent les uns des autres en faisant croire que la différence est un défaut. C’est ce que les médias font croire en fait, alors que c’est un mensonge ! On peut vivre naturellement sans dire : « Lui il est musulman chrétien ou juifs ou italien. » Ça se pose même pas comme question, c’est les médias là qui sont subventionnés par l’État, contrôlés par des milliardaires qui nous donne des fausses idées. Je suis en colère contre tout ça, tous ces médias, mais malheureusement c’est un c’est un rouleau compresseur. Mais si tout le monde pouvait penser comme moi, enfin si chacun pouvait mener sa barque comme il doit la mener, on pourrait faire une démocratie participative. Je ne suis pas politicien, mais faire une démocratie participative éviterait tout ce désordre là. Parce que les politiciens qui gouvernent aujourd’hui en France, ils ne mettent pas en avant la richesse de cette diversité de la population. Il devrait parler de la France des couleurs, mettre en avant cette qualité au lieu de nous discréditer et de nous dire que nous venons des bas-fonds. Nous sommes des gens pour créer des autoroutes, des bâtiments… Arrêtez de prendre les gens pour des cons et de faire croire que l’immigration est égale à la délinquance.
C’est vous qui avez créé cette délinquance. Et je vais aller encore plus loin… Les affaires de mœurs… Je vais pas faire du racisme… Mais il y a plus d’affaires de mœurs chez les blancs que chez les Maghrébins ou les Africains ou qui que ce soit. Parce que quand vous regardez les prisons françaises, allez-y vous allez comprendre : soixante pour cent des affaires de moeurs et ça on ne le dit pas, c’est que des blancs. Je veux pas faire du Zemmour parce que je suis contre ça... Mais c’est une observation.
Le jeu d’échecs, c’est la métaphore de la vie. C’est à dire que si on ne sait pas où on met son pied, on tombe dans le trou. Le jeu d’échecs, c’est la même chose. Si on n’est pas concentré dans ce qu’on fait, on est dérouté. Il suffit d’un rien pour avoir l’irréparable. Voilà.
C’est Cheb Hasni, qui a été assassiné, malheureusement, pour des chansons d’amour en Algérie par le gouvernement. Enfin, je veux pas…
– Non non, c’est pas pour les chansons, c’est pour le business…
– C’est pas que pour le business, c’est pour les chansons d’amour qu’il a été assassiné.
– Oui, les chansons sentimentales, mais on l’a pas tué pour ça… Mais parce qu’il chantait des chansons sentimentales pour les Algériens. Tout le monde l’adore, mais il a été tué par des gens de l’Etat.
– Oui voilà, il n’y a pas de terrorisme en Algérie.
Il y en a plein des chansons de Cheb Hasni qui sont bien… Laquelle on pourrait mettre… Toutes les chansons sont à écouter. Ah voilà, Matebkiche, ça veut dire ne pleure pas. Celle-là elle est belle.
