Accueil > Vol 1 : La Goutte d’or > Julia

Julia

N. B. Ce texte est une transcription adaptée de l’entretien diffusé sur la cassette. Il y a donc quelques reformulations.

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Julia, j’ai vingt-cinq ans et je travaille dans le quartier de la Goutte d’Or depuis janvier 2020.

Quand et comment es-tu arrivée à la Goutte D’or ?

Je travaille dans la musique. L’ancienne salle de concert où je travaillais avait entendu qu’on recherchait des gens pour reprendre une salle de concert au cœur de la Goutte d’Or. Comme c’est un quartier assez vivant, cosmopolite et aussi un lieu très intéressant, on a décidé de se lancer dans l’aventure. Et voilà, ça fait donc deux ans qu’on travaille pour l’Olympic, mais on a eu le Covid entre temps et plein d’autres choses, ça fait en réalité peut-être plutôt six mois que je travaille vraiment dans la Goutte d’Or. Cette salle, l’Olympic Café, existe depuis très longtemps, puisqu’elle a été créée en 1934. C’est donc une vraie institution dans le quartier, elle a toujours été là. C’était une salle de bal au départ, puis une salle de billard et après il y a eu très, très vite des concerts et ça n’a jamais arrêté. Donc elle fait vraiment partie de l’âme de la Goutte d’Or. Et ce quartier, il est à la fois très vivant et très changeant, avec une sensation de quartier où beaucoup de gens se connaissent, où tout le monde se parle, où les interactions se font beaucoup plus de façon sincère que partout ailleurs dans Paris.

Ça vient aussi parfois avec son lot de difficultés. Quand tu arrives dans le quartier alors que tu es là pour bosser, que les gens du quartier sont là depuis longtemps et que tu fais une activité qui génère peut-être de la gêne sonore ou autre, il faut aussi trouver sa place, s’entendre, ne pas écraser les autres, mais plutôt fonctionner avec le quartier.

Te vois-tu rester à la Goutte D’or ?

Je me vois continuer au moins à travailler ici jusqu’à la fin de l’année, déjà jusqu’en décembre 2022, ça c’est sûr. Et on verra pour la suite. Mon contrat va jusqu’à cette période-là et après on verra ce que nous réserve l’avenir. C’est un quartier qui est, contrairement à ce qu’on peut penser, très vivant culturellement. La rue Léon est un vrai axe qui foisonne de plein de choses, avec le 360 qui est aussi une salle de concert, axée sur les musiques du monde ou la musique classique, qui accueille des artistes en résidence et a des salles de répétition. On a la librairie La Régulière, qui est une librairie féministe qui organise pas mal d’événements, de rencontres très intéressante. Pour continuer sur la rue Léon, il y a l’Olympic Café, et aussi l’Institut des Cultures de l’Islam qui organise aussi des événements et est un vrai repère dans le quartier. Il y a L’Omadis, il y a le Barbès Comedy Club, le 34, le Poulpe recyclerie… Tout plein de choses sur cet axe qui font que le quartier est très vivant et très foisonnant.

Par rapport à d’autres quartiers de Paris, on s’imagine très vite que la Goutte d’Or, c’est Barbès, et Barbès, c’est le fouillis, c’est plein de trucs à la sauvette ou ce genre de clichés. Mais il y a des choses instaurées depuis plusieurs années, qui font des choses de quartier, de vrais liens de voisinage, qu’il n‘y a pas forcément dans d’autres quartiers, les quartiers plus résidentiels ou autre. C’est quand même un quartier avec énormément d’habitants, mais plus de cohésion que dans d’autres endroits de Paris, je trouve. J’habite à vingt minutes du quartier de la Goutte d’Or, vers Pigalle, c’est pas loin, mais c’est un autre type de quartier. C’est ça peut se ressembler, mais c’est plus touristique. C’est vrai que la Goutte d’Or, ce n’est pas officiellement touristique, mais c’est à côté du Sacré Cœur et de Montmartre, qui est un des plus gros points pour visiter Paris quand on est étranger et qu’on veut découvrir la ville. Mais c’est un peu la banlieue de Pigalle ou Montmartre, c’est le quartier auquel on ne pense pas pour se balader. Il y en a pas deux comme ça, que ce soit au niveau de la circulation des voitures, au niveau des marchés ouverts, tout ça qui ont vraiment pignon sur rue, où tout se fait dans la rue c’est c’est aussi très prenant et très très très stimulant.

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’à l’Olympic Café, on a décidé d’axer notre programmation principalement sur du rock, toutes les sous-catégories du rock : le punk, le noise, le psychédélique, le post-punk, la pop, un peu d’électro… On a un spectre assez large, mais qui est restreint à une chose qui est musique à guitare, on pourrait dire, avec batterie ou non.

Voilà, ça peut donner l’impression que ça détonne dans le quartier. Les autres salles autour de nous font plutôt des musiques du monde, plutôt cosmopolites, plutôt les musiques africaines… tous les styles. Et nous, on détonne un peu là-dessus, parce que c’est vrai que le quartier en lui-même n’écoute pas forcément du rock, ne va pas forcément des concerts de rock, ne connaît pas et n’a pas cette culture-là.

Mais ce n’est pas parce que le quartier n’a pas cette culture-là qu’il faut forcément ne pas en faire, l’Olympic a totalement sa place aussi en ayant choisi cette scène-là.

La musique

J’ai envie de choisir un morceau de Hotel Lux, un groupe anglais de Londoniens qu’on a fait venir en 2020, deux semaines avant le Covid, et qui a vraiment rassemblé plein plein de gens.
On a pu faire complet sur cette date-là. Ils ont une chanson qui parle des discussions qu’on peut avoir dans un bar, où on peut parler de trucs sérieux, entre guillemets, comme Jean-Paul Sartre et juste après parler d’une star de téléréalité. L’Olympic peut s’y prêter totalement avec son côté bar de quartier.

L’objet

Il faut que je retrouve le nom du morceau (nd : English Disease). Il m’échappe actuellement, mais je vais le retrouver.

Mon objet… Alors… ça aussi c’est difficile… Je pourrais peut-être choisir la cloche accrochée à côté du bar qu’on sonne normalement quand quelqu’un donne un pourboire, mais moi elle me sert à casser les oreilles de mes clients pour leur signifier qu’un concert va commencer. Et c’est un petit rituel que j’ai en début de soirée, que je refais deux ou trois fois en fonction du nombre de concerts qu’on a dans la soirée pour appeler les gens à descendre. Il y a un petit côté théâtral parce qu’on fait pas mal ça dans les théâtres, on sonne une cloche, une sonnerie pour dire aux gens que le spectacle va commencer. L’Olympic, c’est un peu ça. Tous les soirs, c’est pas toujours facile et on monte, on organise des concerts et ils ont lieu. Et la cloche, c’est vraiment le symbole que la soirée commence et qu’on réalise les choses.